L'aventure reste l'aventure
Depuis l’âge de dix ans, je me passionne pour le dessin d’art. Puis, à quinze ans (1966), je découvre la peinture à l’huile de lin et son odeur fascinante. Cliquer ici pour découvrir la suite.
Des images et des sons
En septembre 1970, dès mon arrivé dans mon nouveau chez-moi au Foyer des Jeunes Travailleurs de Périgueux (le FJT), je m’investis naturellement dans son animation sous l’égide de son directeur Bernard Devalette. Cliquer ici pour découvrir la suite.
La descente en radeau de la Dordogne
Un autre fait marquant de ces trois années passées au FJT reste à jamais gravé dans ma mémoire : La descente en radeau de la Dordogne en 1973, de Beaulieu-sur-Dordogne (Corrèze) à Libourne (Gironde). Cliquer ici pour découvrir la suite.
1973
La descente en radeau de la Dordogne
Un autre fait marquant de ces trois années passées au FJT reste à jamais gravé dans ma mémoire : La descente en radeau de la Dordogne en 1973, de Beaulieu-sur-Dordogne (Corrèze) à Libourne (Gironde).
Nous construisons un plancher de trois mètres sur six, fixé rigoureusement sur six fûts vides destinés à l’huile industrielle, d’une capacité de 215 litres. Ils seront de véritables flotteurs. Durant les deux mois et demi du plein été, plusieurs jeunes de nationalités différentes naviguent sur ce radeau, lors de certaines étapes en compagnie des résidents du FJT. Je suis responsable de cette expédition. Une partie de l’équipe à bord d’une fourgonnette suiveuse est chargée à tour de rôle de l’intendance. A chaque escale, elle a pour mission d’allumer un feu de camp, de préparer à manger et de monter les tentes pour la nuit. Je passe ma première nuit sur le radeau, histoire de rentrer bille pleine dans cette aventure et de m’imprégner de son ambiance, voir de son esprit. Au matin, réveillé par le champ des oiseaux et les premiers rayons du soleil, je n’ai plus qu’à plonger une main dans l’eau pour m’arroser le visage en guise de toilette. Pour immortaliser cette longue et palpitante aventure, je réalise un film N & B, en 16 mm à l’aide d’une caméra Beaulieu R16 mécanique, équipée d’une plate forme tournante sur laquelle sont fixés trois objectifs de marque Angénieux et de différentes focales.
En septembre, lors d’une soirée spéciale dédiée à la descente de cette belle et grande rivière, nous projetons toutes les bobines de ce reportage. L’idée de monter un film prend corps. Cela a un certain coût. Alors, on attendra un peu. Je m’absente quelques temps du FJT afin de remplir mes obligations militaires. A mon retour, j’apprends avec stupéfaction que le film a été volé. Je fais mon enquête, mais en vain. C’est l’omerta. Personne n’a rien vu, ni entendu. Une quinzaine d’années plus tard, je rencontre à plusieurs reprises un ancien résidant du FJT sur le marché de Périgueux. A chacune de nos rencontres je lui pause la même question : « sais-tu qui a volé le film ? »
A chaque fois, il me répond par la négative jusqu’au jour où, les yeux rivets sur ses chaussures, il me donne le nom du résidant voleur. Je cherche à le retrouver afin d’en savoir plus, sans bien évidemment lui dire qui m’a donné l’information.
« Je ne l’ai pas volé Bernard, juste emprunté ! Je voulais faire développer des photos tirées du film pour avoir des souvenirs. Je l’ai porté chez un photographe de Brive par discrétion car je ne voulais pas que cela soit dit à Périgueux. Lorsque j’ai appelé le photographe de Brive pour savoir si mes photos étaient prêtes, j’ai compris que je ne pourrai pas payer le montant de la note. Alors, je ne suis plus revenu à Brive. »
Renseignements pris, je me rends à Brive-la-Gaillarde chez le photographe en question. Arrivé à l’adresse indiquée par l’emprunteur, je rentre dans un magasin de porcelaine et de souvenirs en tous genres.
« Pardon madame, je pensais trouver ici un photographe ! »
« Il y avait bien un photographe avant nous. Mais cela fait une dizaine d’années ou presque que le monsieur et sa dame sont partis à la retraite et qu’ils nous ont vendu les murs de leur magasin ! »
Voyant ma mine dépitée, la patronne du magasin de porcelaine me donne par compassion et avec gentillesse le numéro de téléphone des anciens propriétaires.
« A oui, mais monsieur, je me rappelle bien de ce film. La personne n’est jamais venu chercher ses travaux. Mon mari, maintenant décédé, en a eu marre de les voir sur l’étagère du magasin et il les a descendus avec le film, dans la cave. Par la suite, la cave a été inondée et lorsque nous avons vendu notre magasin tout était moisi. Alors, on a tout jeté à la poubelle !»
La mort dans l’âme, je réalise avec stupeur qu’il n’y aura jamais plus de témoignage sur notre fameuse épopée, à part quelques photos personnelles.
1972
Des images et des sons
En septembre 1970, dès mon arrivé dans mon nouveau chez-moi au Foyer des Jeunes Travailleurs de Périgueux (le FJT), je m’investis naturellement dans son animation sous l’égide de son directeur Bernard Devalette.
Je crée un ciné-club avec séances de projection en 16 mm. Cela consiste à sélectionner des films sur le magazine « Image et Son », à les commander à l’O.R.D.L.E.I.S. de Bordeaux et à réceptionner de grandes bobines d’une cinquantaine de centimètres de diamètre. Un soir par semaine, le jeudi en général, je projette une belle histoire sujette à débat à la fin du film. Les discutions sont souvent ardentes et bien enrichissantes pour tout le monde. La soirée terminée, il me faut rembobiner le film sur ses deux bobines afin de les réexpédier comme je les ai reçues à l’organisme préteur, dès le lendemain matin à la première heure.
Du début février à fin mars 1972, durant six week-end, je participe à un stage de formation audio visuel organisé par la Fédération des Œuvres Laïques. Au cours de ces samedis et dimanches studieux, un groupe de six personnes dont je fais partie est initié aux techniques d’avenir, à savoir à un nouvel appareil appelé Magnétoscope, mais pas seulement. En effet, il y a aussi au programme, l’écriture, la réalisation, le montage et la sonorisation d’un film en 16 mm. J’écris un petit scénario pour un film de dix minutes à réaliser en équipe dont le sujet est : un jeune ouvrier ne supporte plus la ville et retourne chez lui à la campagne. Le maître de stage s’appelle Marcel Desvergne. C’est un homme talentueux et communiquant à la forte personnalité. Il est aujourd’hui (entre autres) Président d’Aquitaine Europe communication. Il a été déterminant pour moi. Il m’a donné l’envie d’avoir envie.
Ce stage audio-visuel est pour moi, un déclic. Je veux être réalisateur.
1970
Depuis l’âge de dix ans, je me passionne pour le dessin d’art. Puis, à quinze ans (1966), je découvre la peinture à l’huile de lin et son odeur fascinante.
En 1969, je quitte Talence (Gironde) pour Saint-Astier en Dordogne. En septembre 1970, je loue une chambre au Foyer des jeunes travailleurs de Périgueux où, lors de mon temps libre, je deviens animateur bénévole et responsable d’un ciné-club, sans lâcher pour autant mes couleurs à l’huile de lin. Mes sujets de prédilection tournent autour des chanteurs de l’époque croqués avec des couleurs et des formes psychédéliques (Johnny, Beatles, Polnareff, la comédie musicale Hair etc…). Ils rendent heureux plus d’un copain ou copine. Sur les conseils de l’un d’entre eux je vais acheter des tubes de peinture à Bordeaux où paraît-il, pour le rapport qualité prix, il n’y a pas photo.
Arrivé en gare de Bordeaux Saint-Jean, je reste un moment assis sur la banquette de la Micheline X4300 à l’arrêt dans le Port de la Lune. Je regarde rêveur les gens sur le quai. Je me retrouve seul dans la voiture voyageur et soudain, angoissé à l’idée que le train pourrait repartir pour une quelconque manœuvre, je me précipite vers la porte de sortie. Sur la dernière banquette un appareil photo enveloppé dans sa sacoche de cuir a été oublié. Je le récupère à la sauvette et cherche en vain du regard un probable propriétaire. Mais, c’est comme chercher une aiguille dans une meule de foin. J’ouvre la sacoche et je découvre un superbe appareil semblant à mes yeux sophistiqué. Il m’impressionne. Jusqu’à présent, je ne me suis servi que d’une petite boîte appelée Instamatic. Elle n’est dotée seulement que d’une visée fixe et d’un déclic, un point c’est tout. Là, je tiens entre mes mains un Contaflex Zeiss Ikon. Cet appareil doit coûter une fortune, me dis-je. Pensant à son (ou sa) propriétaire, je décide de le rapporter au bureau des objets trouvés de l’établissement ferroviaire.
L’esprit tranquille, je mène à bien mes emplettes d’artiste en devenir et je m’en retourne de la même manière à Périgueux. Un an plus tard, toujours accroché à mes pinceaux, je reçois une lettre de la SNCF me disant : « Monsieur, vous avez déposé au bureau des objets trouvés il y a un an et un jour, un appareil photo que personne n’est venu réclamer. Aussi, nous avons le plaisir de vous informer que cet appareil désormais vous appartient et qu’il reste à votre disposition. » Me souvenant de la qualité apparente de l’appareil photo, je me dis que je ne ferai pas le voyage pour rien.
Et voilà que cette boîte magique et troublante va me sortir de plus en plus fréquemment de mon atelier de peinture. Impertinente, elle n’aura de cesse de me déranger pour me révéler le mouvement du dehors.
Bernard Chubilleau
Le 20 mars 2019